Cette interview a été publiée dans Le Parisien le jeudi 29 octobre 2020 – Propos recueillis par Jannick Alimi
A l’heure du retour au confinement, et alors qu’un nouvel attentat à Nice vient de se produire à Nice, quel jugement portez-vous sur l’action de l’exécutif ?
Après l’attentat vraisemblablement commis par un terroriste islamiste à la basilique Notre-Dame à Nice, la France insoumise réaffirme son affection et sa solidarité avec tous les catholiques de France, visés dans la pratique de leur foi. Notre pays est mis à très rude épreuve.
Nous subissons une accumulation de chocs lourds : attentats, crise sanitaire, explosion de la pauvreté, effets du changement climatique. Chacun de nous doit convoquer le meilleur de soi-même. Nous devons faire face. Unité, fermeté et détermination sont indispensables. Les défis à relever sont immenses, mais soyons-en sûrs : les jours heureux reviendront.
Vous en appelez à l’union nationale ?
A l’unité nationale. Elle n’annule pas les controverses politiques. Cette unité est un devoir face à l’adversaire. L’un des objectifs politiques théorisés par les terroristes islamistes est la division de la communauté nationale. Ils veulent que s’opère, en réaction aux attentats, un clivage en notre sein entre, d’un côté, les musulmans, qu’ils espèrent rallier à leur cause fanatique, et, de l’autre, le reste de la population, qui suspecterait l’ensemble des premiers sans distinction. Il faut impérativement refuser ce clivage, sans quoi nous leur donnerions le point.
J’en veux énormément aux membres du gouvernement qui, comme Jean-Michel Blanquer, ont brisé cette unité pour ouvrir des polémiques politiciennes aussi absurdes que dangereuses, alors même que l’hommage national à Samuel Paty n’était pas encore rendu. D’autant que, parmi les donneurs de leçons en matière de laïcité, beaucoup sont moins rigoureux que nous. Ils seraient bien inspirés de balayer devant leur porte.
Que critiquez-vous dans la lutte menée contre le terrorisme ?
Les surenchères globalisantes réduisent notre efficacité. Face au terrorisme, il faut être méthodique, précis. Comment expliquer que des menaces grandissantes sur les réseaux sociaux n’aient pas fait l’objet d’actions ou qu’un islamiste fiché S, suivi par les services de renseignement, ait pu entrer dans une école de la République pour parlementer avec sa proviseure afin d’opérer une pression sur un professeur ?
Estimez-vous qu’Emmanuel Macron tombe dans le piège des islamistes et fracture le pays ?
Dans pareille situation, la parole du chef de l’État et du gouvernement pèse lourd. Tout ce qui entretient la confusion entre le terrorisme, l’islamisme politique face auxquels il faut être implacables, et la grande masse de nos concitoyens de confession musulmane meurtris par ces attentats commis au nom du Dieu dans lequel ils croient, est à proscrire. Cette confusion arrangerait les terroristes. La loi annoncée ne doit pas être une loi des suspects. En revanche, s’il s’agit de renforcer la laïcité, la France insoumise fera des propositions qui permettront de vérifier la cohérence de chacun.
Dans pareille situation, la parole du chef de l’État et du gouvernement pèse lourd. Tout ce qui entretient la confusion entre le terrorisme, l’islamisme politique face auxquels il faut être implacables, et la grande masse de nos concitoyens de confession musulmane meurtris par ces attentats commis au nom du Dieu dans lequel ils croient, est à proscrire. Cette confusion arrangerait les terroristes. La loi annoncée ne doit pas être une loi des suspects. En revanche, s’il s’agit de renforcer la laïcité, la France insoumise fera des propositions qui permettront de vérifier la cohérence de chacun.
Certains élus de droite préconisent une législation de guerre. Et vous ?
Peut-on faire le bilan de la cascade de lois antiterroristes votée ces dernières années ? Pour quelle efficacité ? Plus encore que de nouvelles lois, nous avons besoin de moyens humains et matériels supplémentaires conséquents pour appliquer les lois existantes. A La France insoumise, nous réclamons de longue date un réinvestissement dans les techniques d’investigation humaines qui ont fait leurs preuves, comme l’infiltration.
Vous avez voté contre les nouvelles mesures relatives au confinement. Pourquoi ?
Au début de la crise sanitaire, nous avons multiplié les propositions concrètes. Elles furent toutes balayées par le gouvernement et sa majorité. Emmanuel Macron décide seul. Le point auquel nous sommes rendus est le résultat de l’absence de planification du gouvernement et de la destruction de l’hôpital public. Sept mille quatre cents lits ont été fermés les deux dernières années. Comment évaluer l’efficacité des mesures partielles qui ont été annoncées ?
Monsieur Macron nous dit que l’épidémie est plus grave qu’au printemps, mais en déduit des mesures moins fortes. Sur cette base, le Premier ministre sollicite le vote du Parlement, sans que nous ne puissions rien modifier. Il s’agit donc d’un vote de confiance envers le gouvernement. Nous ne pouvons le lui accorder. C’est la raison pour laquelle les députés insoumis ont voté d’un bloc, contre, à l’Assemblée.
Pour autant, nous respecterons la discipline sanitaire. Nous la devons aux personnels de santé.