Lettre au préfet du Nord, le 20 mai 2020
Monsieur le préfet,
J’ai pu visionner sur les réseaux sociaux une vidéo des événements se déroulant dans la nuit de dimanche à lundi dernier, boulevard d’Alsace à Lille. Dans cette vidéo, il est possible d’observer deux riverains situés sur le trottoir à l’angle de la rue de Thumesnil ne posant apparemment aucune menace être violemment repoussés par des fonctionnaires de police à coups de matraque et de jets de gaz lacrymogène à bout portant. On entend également distinctement ces policiers user du tutoiement et crier de manière agressive « bouge ! », « recule ! » tout en molestant ces deux passants.
La suite de la vidéo montre un contrôle routier en cours sur la chaussée du boulevard d’Alsace, dans un premier temps interrompu par l’action se déroulant sur le trottoir. Au retour des fonctionnaires de police sur le lieu du contrôle, la personne au volant de la voiture, vraisemblablement apeurée, refuse d’obtempérer, opère un démarrage et s’arrête quelques mètres plus loin devant d’autres agents de police. On entend alors distinctement plusieurs insultes, dont l’une à caractère raciste : « nique ta mère », « fils de pute », « bougnoule ». À l’arrêt du véhicule, un fonctionnaire de police dégaine son arme et tient en joue la personne au volant tandis qu’un autre brise la vitre côté conducteur avec sa matraque.
J’ai appris ce mardi 19 mai qu’une enquête administrative a été ouverte afin de vérifier le cadre de l’emploi de la force publique. Au-delà des résultats de cette enquête sur les faits relatés, j’ai déjà eu l’occasion, dans un courrier en date du 27 avril dernier, de vous exprimer ma préoccupation quant au climat de plus en plus délétère à Lille, notamment durant la période de confinement, entre la population et certains policiers. Les comportements violents des fonctionnaires de police que l’on peut constater dans cette vidéo ne sont pas sans me rappeler les interpellations dont j’ai été l’objet de la part d’habitants de quartiers populaires de ma circonscription faisant état de la méfiance et de la peur s’installant entre la population et certains de vos agents.
Dans ce courrier, je vous rappelais mon attachement au caractère républicain de notre police. Celle-ci doit avoir à cœur de se comporter en gardienne de la paix et de la tranquillité publique. Après avoir visionné ces images, je prends la mesure du chemin à parcourir pour y parvenir, et je vous appelle à nouveau à prendre l’initiative d’une désescalade et prenant les mesures nécessaires.
Monsieur le préfet, pour vous comme pour moi, il est inacceptable en République que certains de ses représentants s’abandonnent à ces violences ou au racisme, qui déshonorent leurs auteurs, l’uniforme, et le corps tout entier. Elles accentuent encore la défiance entre la population et la police nationale. Ces pratiques ne peuvent perdurer.
Restant à votre disposition pour aborder le sujet, je vous prie de recevoir, monsieur le préfet, mes salutations républicaines.
Adrien Quatennens, député du Nord