On pouvait raisonnablement attendre d’un Président de la République qui avait fait le choix de raréfier sa parole que, lorsqu’il en ferait usage, il aurait quelque chose à nous dire. Il n’en fût rien.
En un peu plus d’une heure, Emmanuel Macron n’aura fait aucune annonce. Il n’aura même pas tenté de désamorcer les polémiques dont il a été à l’origine, préférant assumer avec désinvolture les insultes qu’il a récemment réservées à celles et ceux qui s’opposent à sa politique ou qui se battent pour leur emploi. Qu’il soit donc remercié pour la clarification apportée par ce nouveau tir d’artifice de communication.
Emmanuel Macron use et abuse de la méthode Coué quand il déclare « le mandat qui m’a été donné est celui de transformer profondément le pays, d’agir avec détermination. » Il oublie volontairement que le seul mandat qui lui a réellement été confié par le peuple français fût d’empêcher l’accession au pouvoir de Marine Le Pen. Par leurs bulletins de vote et leur abstention massive, les français-e-s n’ont pas signifié leur accord pour que l’on disloque l’ordre social du pays par la casse du Code du Travail, que l’on favorise les plus aisé-e-s, qu’on demande encore plus d’efforts aux plus modestes ou qu’on applique l’antidémocratique et climaticide traité CETA. Ici réside l’erreur fondamentale d’Emmanuel Macron : S’il est évidemment légitime dans sa fonction de Président de la République, il ne dispose pas d’une majorité éclairée dans le pays pour mener cette politique qui consiste à continuer plus « vite » et plus « fort » ce qui a déjà été trop fait et dont l’inefficacité n’est plus à prouver.
« Je fais ce que j’ai dit » nous répète-t-il ce soir. Avait-il annoncé le détail extrêmement dur de ses ordonnances ? Avait-il dit qu’il favoriserait les riches à ce point pendant qu’il baisserait l’Aide Personnalisée au Logement dont bénéficient les plus modestes ? Avait-il dit qu’il procéderait à un plan social sans précédent avec les contrats aidés ?
Chacun aura pu apprécier ce soir les profondes incohérences dans le discours du Président de la République qui déclare que son « projet favorise le travail » alors que ses actes favorisent clairement le capital sans aucune contrepartie ou qui ose dire que « l’industrie va se développer dans le pays » alors qu’il poursuit le dépeçage de nos fleurons industriels.
Sa conception de la réussite ne semble s’apprécier que sous le spectre de l’accumulation de richesse. Emmanuel Macron veut croire qu’en favorisant les plus riches, ces derniers investiront davantage. Bien que cela ne se soit jamais vérifié, il nous somme de bien vouloir suivre son raisonnement. Alors que la France est championne d’Europe des dividendes versés aux actionnaires et qu’à peine 30% des profits sont investis dans l’économie réelle, Emmanuel Macron ne demande aucune contrepartie aux cadeaux qu’il fait aux plus riches. En cela, il assume d’endosser le qualificatif de Président des riches qui lui va effectivement si bien.
Le Président s’est drapé ce soir dans le costume de la Reine des Neiges en nous proposant un remix de la célèbre chanson de l’héroïne, transformée pour l’occasion en « libérer, protéger » !
Qu’en reste-t-il à part la plus pure incantation ? Si l’on voit bien ceux qu’il libère, à savoir les plus riches, on voit moins bien ceux qu’il protège à moins qu’il ne s’agisse en fait des mêmes !
Au final, par cette interview, Emmanuel Macron aura surtout mis en perspective le puissant déséquilibre qui résulte de sa politique entre les plus riches qu’il libère et protège plus que jamais et tous les autres à qui ils demandent de faire encore des efforts et d’être patients.
Il y avait du Hollande dans le texte quand le Président de la République a dit « transformer en profondeur pour protéger ensuite ». En effet, on se souvient de ces « ensuite » que l’on attend toujours !
Selon plusieurs journaux, Nicolas Sarkozy aurait déclaré récemment « Macron c’est moi en mieux ». Il y avait incontestablement du Sarkozy sous l’épaisse couche de maquillage du Président de la République ce soir.
Notons au passage qu’il n’aura pas été question un seul instant d’écologie alors qu’il s’agit là d’un défi gigantesque à relever et qui permettrait d’en relever d’autres, comme par exemple celui de l’emploi. Car s’il nous a longuement parlé de formation, le Président de la République a été beaucoup plus discret concernant la création d’emplois dans un contexte où 85% des embauches se font en contrat précaire et où il y a un emploi non pourvu pour 300 chômeurs.
Macron continue plus durement ce que ses prédécesseurs avaient commencé. C’est en cela que, s’il est impossible de dire si cinq années lui suffiront pour tout casser, on peut penser sans trop exagérer qu’après 5 mois, les français-e-s en ont déjà assez ! Il reste donc à cette majorité de français opposée à la politique d’Emmanuel Macron à le rappeler à l’ordre dans les meilleurs délais et de préférence avant le nouveau passage des ordonnances devant le Parlement au mois de Novembre.